Prise de position du SSP-Hautes Ecoles sur la "directive 3.22 sur l’évaluation de l’enseignement par les étudiants" de la direction de l'Unil

Le SSP-Hautes Ecoles est en profond désaccord avec la Directive de la direction 3.22 sur l’évaluation de l’enseignement par les étudiant·es. Nous ne sommes bien évidemment pas opposé·e·s à la mise en place de dispositifs d'évaluation mais bien à ce dispositif-ci.

Nous reproduisons ci-dessous le contenu du courrier que nous avons adressé au Recteur de l'Unil, lui demandant une refonte totale de la directive et l'ouverture de discussions avec les organisa-tions représentant le personnel au sujet de ladite directive.

Par la présente, le SSP affirme la nécessité d’une révision de la directive de la Direction 3.22 sur l’évaluation de l’enseignement par les étudiant·es, dont le contenu encourage les procédures de surveillance et de contrôle du corps enseignant par le Centre de soutien à l’enseignement (CSE) et dès lors, tend à dégrader les conditions d’enseignement à l’UNIL.

La directive repose sur une incohérence fondamentale entre trois buts qui doivent absolument être séparés pour être atteints. Elle annonce d’abord que l’évaluation de l’enseignement par les étudiant·es (EEE) « constitue un moyen valide et fiable de recueil-lir des informations sur le fonctionnement des enseignements » (préambule), puis qu’elle a une « visée formative » (ibid.), tout en précisant enfin, à partir de l’art. 7, les moyens coercitifs visant à contraindre les enseignant·es à réaliser des EEE. Ces trois objectifs sont clairement distincts, ne peuvent en aucun cas être traités par la même procédure et le même outil, ni être mis en œuvre par le même service administratif.

Recueillir des informations sur le fonctionnement des enseignements de manière agrégée (définis à l’art. 11) est un travail de nature statistique qui ne peut, pour avoir la moindre validité, qu’être mené de manière indépendante des enseignant·es et des étudiant·es. En agrégeant des EEE dont les modalités ont été décidées de manière séparée par les enseignant·es, on additionne des pommes et des poires pour créer des artefacts statistiques sans aucune valeur.

Ensuite, il est impossible de mélanger de manière sensée évaluation formative et contrainte, puisque la première, pour être utile aux enseignant·es, doit évidemment se concentrer sur les points que ces derniers savent devoir améliorer. Si l’évaluation devient un instrument de contrôle, les enseignant·es seront fortement incité·es à centrer les EEE sur les points les plus forts de leurs enseignements, rédui-sant par la même occasion leur utilité en terme d’amélioration.

Les règles suivantes sont particulièrement problématiques.

Les art. 7, 8 et 12 de la directive 3.22, qui demandent non seulement aux enseignant·es que l’ensemble de leurs cours fasse au moins une fois l’objet d’une EEE dans un intervalle de 3 ans (art. 7) – sous peine de se voir imposer une évaluation dont les modalités seront choisies par le CSE (art. 8 al. 2) – mais il lui est également demandé d’atteindre une moyenne d’appréciation d’au minimum 60% (art. 12).

Or, lorsqu’on connaît les nombreux biais de ces formulaires d’évaluation (notamment, les résultats scolaires obtenus ou espérés par l’étudiant·e, la charge de travail et nombre d’heures travaillées reliés au cours, la taille de la classe, le genre, la discipline enseignée, etc.), on est en droit de douter de leur pertinence pour juger de la qualité d’un enseignement. Bien que ce soit un outil très utile aux enseignant·es pour identifier les éventuelles faiblesses pédagogiques de leurs enseignements, la valeur d’un enseignement universitaire ne saurait se résoudre à une EEE. Si les 60% ne sont pas atteints, la directive indique que l’enseignant·e sera « invité·e » à rencontrer un·e conseiller·ère pédagogique du CSE. Pourtant, comme son nom l’indique, le CSE a pour mission de soutenir les enseignant·es dans leur travail selon une logique de collaboration et non pas de contrainte, ce que rappelle du reste le préambule de la directive 3.22 et son art. 6. Les enseignant·es n’ont du reste aucun compte à rendre au CSE, qui ne saurait par conséquent exercer la moindre autorité ou contrôle sur eux, contrairement à ce que suggère la directive 3.22.

À cela s’ajoute la possibilité donnée aux étudiant·es à l’art. 13 de la directive d’interpeller individuellement le CSE ou la faculté responsable dudit enseignement lorsqu’il ou elle estime être en présence d’une situation pédagogiquement problématique. S’il est certes important que les étudiant·es aient la possibilité d’exprimer en toute sécurité leur mécontentement quant à la qualité des enseignements qu’ils·elles suivent, cela ne doit en aucun cas ouvrir la porte à une politique de délation des enseignant.e.s auprès du CSE. Et cela ne doit pas automatiquement donner lieu à une EEE, qui n’est pas nécessairement le moyen le plus approprié pour régler des problématiques pédagogiques.

Ces règles de la directive 3.22 sont d’autant plus inacceptables qu’elles s’accompagnent d’une détérioration des procédure d’EEE : d’une part, celles-ci ne devraient plus avoir lieu qu’en ligne (art. 9 de la directive), sans aucune garantie quant à la représentatitivé des résultats ainsi collectés (ce qui aggrave le risque de dérive avec la règle des 60% d’opinions favorables posée à l’art. 12 de la directive) ; d’autre part, le CSE ne fournit plus de synthèse des résultats des évaluations (art. 6 al. 2 lit. e de la directive) aux enseignant.e.s, ce qui alourdi leur charge de travail afin de respecter les art. 6 al. 1 et 10 de la directive 3.22.

Enfin, nous rappelons que nous avons demandé que la Direction, soit directement, soit par l’entremise du CSE, communique à l’ensemble des personnes concernées que les quatre semestres passés sous pandémie, du printemps 2020 à l’automne 2021, ne seront pas pris en compte dans le calcul de la périodicité des EEE dans les futurs dossiers de stabilisation, de fin de période probatoire ou de renouvelle-ment des contrats.

Pour finir, il est nécessaire de rappeler que la formation pédagogique ne figure nulle part dans le cahier des charges des enseignant·es, ce qui est en total décalage avec le caractère coercitif de la directive 3.22. C’est pourquoi, le SSP souhaite sa révision afin de promouvoir un cadre légal ne reposant pas sur la méfiance à l’égard des enseignant·es et leur permettant d’exercer leur métier sans crainte de sanction.

Nous demandons une refonte totale de cette directive, et, compte tenu du nombre et de la gravité des problèmes posés par sa version actuelle, l’ouverture d’une discussion générale avec les organisations représentatives du personnel au sujet de l’EEE.

SSP-HE-pos-direval-Unil-2022-03

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05.04.2022 Pos-SSP-direval-Unil-2022-03 PDF (1,6 MB)