Prise de position du comité Hautes Écoles du SSP Vaud
POURQUOI LE PERSONNEL DES HAUTES ÉCOLES DOIT PRENDRE POSITION EN FAVEUR DU BOYCOTT INSTITUTIONNEL DES UNIVERSITÉS ISRAÉLIENNES
Bien qu’un cessez-le-feu à Gaza suscite le frêle espoir d’une amélioration pour la population gazaouie, une mobilisation en faveur d’un boycott institutionnel des universités israéliennes reste plus nécessaire que jamais. Tout d’abord parce qu’un cessez-le-feu ne mettra pas fin à la longue série de violations par l’Etat israélien des droits humains les plus fondamentaux des Palestinien-ne-s. Ensuite parce qu’un réel cessez-le-feu durable apparaît comme des plus incertains. Au contraire, le risque est grand que se poursuive une guerre dont le caractère génocidaire a été établi sans équivoque par des organisations internationales de référence telles que l’ONU et Amnesty International – sans parler des violations graves du droit international prenant place en Cisjordanie.
En tant que syndicat représentant le personnel des Hautes Écoles, nous avons apporté notre soutien aux mouvements étudiants qui demandent depuis plusieurs mois une suspension des partenariats institutionnels avec les universités israéliennes, jusqu’à ce que le gouvernement israélien respecte les droits humains fondamentaux garantis par le droit international. Nous déplorons qu’à ce jour l’ensemble des Hautes Écoles suisses n’ait pas fait preuve de transparence quant à leurs accords de partenariat et qu’aucune n’ait rendu public un examen de ceux-ci sous l’angle du respect des droits humains. Ceci est contraire aux promesses faites par certaines Hautes Écoles, comme l’Université de Lausanne et la HES-SO au printemps dernier.
Nous tenons à souligner que la liberté académique doit garantir à tout-e chercheur-euse de poursuivre ou d’établir des collaborations avec des collègues travaillant dans les universités israéliennes à titre individuel. Les revendications de cette prise de position concernent l’État et ses institutions. En tant que groupe Hautes Écoles du Syndicat des services publics, nous prenons position pour un boycott institutionnel, c’est-à-dire la suspension de tout partenariat institutionnel de recherche ou d’enseignement avec les universités israéliennes dans le contexte de violations massives des droits des Palestinien-n-es et d’une guerre génocidaire menée à Gaza.
Cet appel repose sur les considérations suivantes :
Il n’est aujourd’hui plus contestable que la politique menée par Israël viole les droits humains les plus fondamentaux des populations palestiniennes par la ségrégation raciale et l’apartheid, l’occupation et colonisation de territoires, et, dans le contexte de la guerre à Gaza, par des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et un génocide :
- Le 14 novembre 2024, le Comité spécial des Nations Unies chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes rendait un rapport estimant que « la guerre menée par Israël à Gaza présente des éléments caractéristiques d’un génocide »[i]. Ce rapport décrit aussi une augmentation des violences et une détérioration des droits humains en Cisjordanie occupée. Il dénonce l’imposition d’un système d’apartheid à l’encontre de la population palestinienne dans ces territoires.
- Le 21 novembre 2024, les juges de la Cour pénale internationale ont estimé qu’il y avait des raisons suffisantes de croire que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité avaient été commis ou ordonnés par les plus hautes autorités de l’État israélien, autorisant la délivrance de mandats d’arrêt à l’encontre du Premier ministre Benyamin Netanyahou et de l’ex-ministre de la Défense Yoav Gallant. Sont notamment cités le fait « d’affamer des civils comme méthode de guerre », de créer « des conditions de vie calculées pour entraîner la destruction d’une partie de la population civile de Gaza », de priver « une partie significative de la population civile de Gaza de ses droits fondamentaux, y compris le droit à la vie et le droit à la santé » (Voir la décision de la CPI pour plus de détails).[ii]
- Le 5 décembre 2024, Amnesty International publiait un rapport circonstancié qui conclut « qu’Israël a commis et est toujours en train de commettre un génocide contre les Palestinien-ne-s dans la bande de Gaza », ceci « dans l’intention spécifique de détruire la population palestinienne de Gaza »[iii].
Au vu de ces éléments, il est un devoir moral élémentaire des Hautes Écoles de suspendre tout partenariat avec des universités israéliennes qui soutiennent ces actes inhumains. Dans la mesure où un génocide est commis, il s’agit également d’un devoir légal. Selon la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, les États ont l'obligation de le prévenir et de ne pas en être complices. Dès lors, les institutions de l'État suisse, y compris les Hautes Écoles, ne devraient pas collaborer avec des entités qui aident d'une manière ou d'une autre l’armée ou le gouvernement israélien dans le crime de génocide.
Il est de notoriété publique, et facilement vérifiable sur les sites internet des universités israéliennes qu’elles soutiennent directement ou indirectement la guerre menée par l’État israélien, que ce soit par leurs prises de position (par exemple celle de Tel Aviv University), par un soutien matériel (comme le fait, par exemple, l’école de design de Shenkar), ou par des recherches servant directement des usages militaires (par exemple, celles de l’Institut Technion). Nous renvoyons au site de la campagne BDS pour plus d’informations à ce sujet[iv].
Nous tenons en outre à réagir à l’un des arguments fréquemment opposés aux actions de « boycott académique », à savoir le souhait de ne pas affaiblir des membres de la communauté académique israélienne qui seraient mobilisé-es pour le respect des droits humains. Or l’appel à exercer des pressions internationales sur l’État d’Israël émane également de citoyen-ne-s israélien-ne-s, notamment de membres de la communauté universitaire et artistique. Nous référons ici en particulier à l’appel « Citoyens israéliens pour une pression internationale réelle sur Israël » signé depuis octobre 2024 par plus de 3700 personnes[v]. Rappelons que les syndicats académiques palestiniens appellent au boycott des universités israéliennes car elles sont impliquées dans la guerre et l’occupation (voir par exemple l’appel paru le 22 septembre 2024)[vi].
Ces éléments ont déjà conduit de nombreuses institutions académiques à suspendre leurs partenariats avec certaines - voire toutes - les universités israéliennes. Mentionnons à titre d’exemples l’Université de Ghent et l’Université libre de Bruxelles en Belgique, la Dutch Royal Academy of Art aux Pays-Bas, Uniarts Helsinki en Finlande, l’Institut d’études politiques (IEP) de Strasbourg en France, OsloMet University, l’University of South Eastern Norway, l’University of Bergen, la Bergen School of Architecture et de la Nord University en Norvège.
Il est grand temps que les institutions académiques suisses prennent à leur tour une position claire.
C’est pourquoi nous leur demandons :
- De suspendre immédiatement tout accord avec les universités israéliennes.
- De mettre en place des outils pour éviter de collaborer, dans le futur, avec des universités ou organisations impliquées dans des violations des droits humains.
Notes
[ii] https://www.icc-cpi.int/fr/news/situation-dans-letat-de-palestine-la-chambre-preliminaire-i-de-la-cpi-rejette-les-exceptions
[iii] https://www.amnesty.org/en/latest/news/2024/12/amnesty-international-concludes-israel-is-committing-genocide-against-palestinians-in-gaza/
[iv] https://bdsmovement.net/academic-boycott
[v] https://israelicitizensforin.live-website.com/francais/
[vi] https://palast.ps/en/news/palestinian-academic-unions-commend-global-universities-ending-ties-complicit-israeli
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