Non à la hausse des taxes d’étude

Le message FRI 2025-2028, l'annonce du Conseil des EPF quant aux taxes appliquées aux étudiant·e·s étrangers·ères et le rapport d'un «groupe d'experts» mandaté par le Conseil fédéral sont venus coup sur coup remettre la question de l’augmentation des taxes d’études sur le devant de la scène.

Tout d’abord, parmi les mesures envisagées dans le «Message FRI» 2025-2028 mis en consultation l’année passée puis mis au vote des deux chambres du parlement, figure une augmentation des taxes d’études dans les deux Écoles polytechniques fédérales (Lausanne et Zurich). Ensuite, le Conseil des EPF a anticipé les décisions parlementaires en préconisant un triplement des taxes pour les étudiant·e·s qui n’ont pas la nationalité suisse ou ne détiennent pas de diplôme suisse, qui passeraient de 1500 à environ 4500 frs par an, arguant de leur trop faible niveau en comparaison internationale. Enfin, un groupe «d’expert·es» mandaté par le Conseil fédéral pour concevoir un vaste programme d’austérité a lui aussi proposé, dans son rapport rendu public fin août, un doublement des taxes dans les hautes écoles (et un quadruplement pour les étudiant·e·s étrangers·ères) afin de compenser la réduction des subventions publiques.

Il faudra s’opposer frontalement à ces augmentations, au besoin par des mobilisations. Rappelons quelques-uns des arguments portés par les associations étudiantes et les syndicats à ce sujet.

Ne pas se focaliser sur l'obstacle économique

Les taxes d’étude ne constituent pas aujourd’hui l’obstacle principal à l’accès aux études supérieures en Suisse. Outre les nombreux déterminants sociaux et culturels qui entravent l’entrée dans les hautes écoles, d’autres dépenses sont plus décisives dans le choix d’entamer des études supérieures (logement, transport, absence de salaire par rapport à une formation professionnelle, etc.). Le montant des taxes ne vient que s’ajouter à ces autres dépenses.

Dans d’autres pays, la réponse à ce problème consiste à faire dépendre le niveau des taxes des ressources de la famille, ou à accorder des bourses ou des prêts aux étudiant·e·s désargenté·e·s. Ces solutions doivent être rejetées. Elles font disparaître toute autonomie des étudiant·e·s par rapport à leurs parents, et elles engendreraient des coûts administratifs supplémentaires pour les hautes écoles afin d’établir le montant des taxes.

L’argument fondamental contre ces propositions est pourtant ailleurs, et porte un nom très simple : l’impôt. Les personnes les plus riches contribuent normalement déjà au financement des services publics par ce biais, et le font de manière vraiment progressive, ce qui ne peut être le cas avec des taxes en fonction du revenu, dont le niveau maximal serait de toute manière plafonné.

L'éducation est un service public, pas un investissement individuel

La mise en place de taxes d’étude élevées postule que l’éducation est un investissement personnel dans son «employabilité» et sa valeur sur le «marché du travail» qui ne sert à personne d’autre qu’à soi-même. Une telle logique devrait conduire à demander aux étudiant·e·s de payer l’intégralité du coût de leurs études, soit plusieurs dizaines de milliers de francs par an. Elle oublie surtout que l’éducation supérieure est un service public qui bénéficie à l’ensemble de la société, et pas seulement aux personnes qui achèvent des études. L’introduction de taxes plus élevées représenterait donc un changement complet de perspective, évidemment désastreux d’un point de vue collectif comme individuel (le niveau d’endettement des étudiant·e·s aux États-Unis en est une illustration).

Extension d'une politique xénophobe

L’introduction dans les EPF de taxes variables selon la nationalité des étudiant·e·s, sans parler des problèmes qu’elle va inévitablement poser, témoigne d’une méfiance xénophobe à l’égard des étudiant·e·s en provenance de l’étranger, comme s’ils et elles ne représentaient pas un apport et une richesse pour les hautes écoles. On devrait au contraire considérer que leur nombre élevé en Suisse est une preuve de la qualité du système de formation, et pas un coût supplémentaire insupportable. On pourrait même penser que l’établissement futur d’une partie de ces étudiant·e·s en Suisse serait une bonne nouvelle!

Les étudiant·e·s ne coûtent rien

Chaque franc investit dans la formation – à tous les niveaux – est récupéré plusieurs fois à moyen et long terme. La formation est ainsi un de ces secteurs dans lesquels les dépenses sont en réalité toujours des investissements pour l’avenir, et où tout programme d’économie entraîne mécaniquement un appauvrissement de toute la collectivité.

Les syndicats étudiants ont longtemps défendu, non pas simplement la baisse des taxes d’études mais le principe d’un salaire étudiant. Celui-ci constitue en quelque sorte une avance sur le travail que la formation suivie permettra d’effectuer, mais aussi une reconnaissance du travail effectué par les étudiant·e·s pendant leurs études. Un tel dispositif rendrait évidemment caduques toutes les discussions sur les obstacles économiques à l’accès aux études et éviterait les négociations pour obtenir des subsides d’études moins bas que ceux que les cantons n’accordent qu’au compte-goutte aujourd’hui.


Article paru dans la Lettre info Hautes Écoles no 24 (octobre 2024).