Pouvez-vous expliquer votre activité d’accueillantes en milieu familial?
Mélanie – Nous sommes employées par le CVAJ (Centre vaudois d’aide à la jeunesse), qui est une association subventionnée par la Ville de Lausanne, mais nous ne sommes pas employées par la Ville de Lausanne. Je suis pour ma part accueillante en milieu familial depuis plusieurs années. À l’heure actuelle, je travaille quatre jours par semaine et je m’occupe de trois enfants. Je travaille 41h30 par semaine.
Léa – J’exerce en tant qu’accueillante en milieu familial à plein temps, ce qui représente 210 heures par mois et je m’occupe de cinq enfants. Les parents viennent nous déposer leurs enfants le matin, les premiers arrivent vers 6h30 et les derniers partent de chez moi vers 17 h 30, voire 18 heures. En raison des horaires des parents, on a certaines collègues qui travaillent douze heures par jour.
Mélanie – Attention, on vient de vous donner les horaires de présence des enfants, mais on travaille encore ensuite car il faut ranger les jeux, nettoyer les sols, les toilettes, etc. Mais ce temps de travail n’est pas compté comme temps de travail. Il est très difficile pour nous d’estimer ce temps passé hors présence des enfants car nous avons chacune notre manière de nous organiser, mais cela représente plusieurs heures par mois.
Léa – C’est la même chose pour les grandes courses, qui sont faites le samedi, et le temps consacré à la préparation des repas. Il y a par exemple des séances de formation auxquelles on doit participer en milieu de matinée. Pendant la formation, on peut placer les enfants dans une structure d’accueil collective, mais ensuite on n’a pas le temps de faire le repas, donc on le prépare le soir précédent, en dehors du temps de travail. On demande à ce que ce temps passé pour notre métier soit reconnu.
Et quelles sont vos conditions salariales?
Mélanie – Nous sommes payées 6,30 francs de l’heure par enfant et ce tarif n’a pas beaucoup progressé. Ce qui a évolué, c’est que nous avons reçu en fin d’année dernière un demi-13e salaire.
Léa – Notre demande est de toucher l’autre moitié car tou·te·s les employé·e·s du CVAJ ont un 13e complet, c’est également le cas dans la plupart des autres structures.
Quels sont les autres points que vous souhaitez discuter?
Léa – La question des indemnités pour les repas est pour moi prioritaire. On touche 2,20 francs pour le petit-déjeuner, 6 francs pour le dîner et 2 francs pour le goûter. Les tarifs sont les mêmes, que les enfants soient âgés de 3 mois ou de 12 ans. On ne touche rien pour la collation du matin. Pour les enfants scolarisé·e·s, ce sont les parents qui la fournissent y compris pendant les vacances scolaires lorsqu’ils·elles sont avec nous. De ce fait, nous payons donc la collation de notre poche pour les autres enfants accueilli·e·s. On sait que ce qui nous est payé n’est pas suffisant, mais je n’ai jamais fait les calculs sur les montants que je mets pour compléter l’indemnisation qui nous est versée.
Mélanie – Cela fait pratiquement dix ans que les tarifs n’ont pas bougé, alors que les prix de l’alimentation ont beaucoup augmenté ces dernières années. On a des cours pour faire une alimentation équilibrée, mais le budget n’évolue pas. J’ai vu un article cet été dans 20 minutes dans lequel il était expliqué que certains produits alimentaires avaient augmenté de presque 30% ces trois dernières années (pas tous, mais le beurre ou l’huile par exemple). On a des enfants qui aiment manger des nectarines, mais ça coûte pratiquement 1 franc. Il faudrait un réajustement et éventuellement faire une différence entre les scolaires et les préscolaires.
Qu’en est-il des cas particuliers, comme les maladies, ou des baisses du nombre d’enfants en cours d’année?
Léa – Il y a une directive sur la marche à suivre en cas de maladie de notre part et elle doit encore être précisée, mais ce n’est pas un point déterminant. Par contre, on a plus de préoccupations par rapport aux règles lorsqu’un·e enfant arrête en cours d’année. Il y a un fonds de compensation qui nous paie 60% du salaire pendant le premier mois, 20% le deuxième et plus rien ensuite. Et comme nos conditions d’engament prévoient que nous devons être disponibles à 100% toute l’année, nous ne pouvons donc pas nous inscrire au chômage malgré la perte de revenu.
Mélanie – L’AMIFA (Accueil en milieu familial) fait évidemment tout pour nous proposer un·e autre enfant, mais ça peut prendre du temps en fonction du quartier où nous habitons ou de l’âge des autres enfants, car nous savons très bien ce qui est possible pour nous. Une collègue a dû attendre dix mois pour avoir un nouvel enfant car elle devait accueillir un·e «marcheur·euse». Nous voudrions que le fonds de compensation nous indemnise plus longtemps. Il semble qu’à Genève, il y ait un système de «salaire – socle de base», c’est quelque chose à étudier, mais il est important pour nous d’avoir une stabilité salariale car je pense que notre métier est essentiel et d’une importance capitale pour les familles lausannoises avec lesquelles nous travaillons.
Vous avez plusieurs points à discuter avec votre employeur, ce qui ne vous empêche évidemment pas d’aimer votre métier.
Léa – Ce métier est rempli de moments de bonheur, d’émotions, et bien sûr des liens très forts se créent. Les moments de séparation sont difficiles. Les enfants que l’on accueille font partie de notre vie. Accompagner et voir grandir un·e enfant est tellement enrichissant, ce n’est que du bonheur!
Mélanie – C’est un métier merveilleux dans lequel il n’y a aucune routine, on joue plusieurs rôles (femmes de ménage, psychologues, sportives, cuisinière, etc.). Nous travaillons avec des enfants et c’est profondément affectif! Nous faisons notre métier avec générosité mais surtout avec une grande responsabilité et le professionnalisme nécessaire pour le développement des enfants accueilli·e·s, en répondant à leurs besoins et aux attentes des parents. Nous recevons énormément de reconnaissance des parents et des enfants, nous voudrions simplement que nos demandes justifiées soient satisfaites de la part de notre employeur.
«Maintenant, ils savent qu’on est là!»
Léa – Nos démarches ont commencé en début d’année. Comme il y avait eu des changements dans notre organisation et qu’une nouvelle responsable était en poste, nous lui avons envoyé une lettre (recommandée!) pour demander une rencontre. Notre but était de discuter de nos procédures et d’exposer les choses que nous aurions voulu changer. Selon les retours oraux que nous avons reçus, notre lettre a été transférée dans différents services, mais il n’y a pas eu de réponse écrite officielle, ni de rencontre. On a donc fait des réunions avec le SSP et on était vraiment nombreuses, ce qui montre que nos demandes sont partagées par les collègues.
Mélanie – Le SSP a écrit une lettre pour demander une rencontre et il y a eu une réponse tout de suite, un rendez-vous est fixé pour le 23 août. Nous allons exposer nos demandes et voir la réaction. Nous n’allons sûrement pas obtenir satisfaction sur tous les points, mais déjà nous sommes reçues. Cette entrevue nous permettra d’ouvrir une discussion que nous espérons constructive et de faire part de notre réalité. Nous reconnaissons que nous sommes bien encadrées et bien formées par L’AMIFA et le CVAJ, mais il reste plusieurs choses à régler. Nous sommes des professionnelles et nous répondons à ce qui nous est demandé, il faut maintenant qu’on ait un retour sur notre implication.
Nos collègues nous soutiennent, mais certaines ont peur de perdre leur emploi: il y a des collègues qui sont des mères célibataires dans des situations difficiles et touchent les PC-famille. On entend encore parfois que nos salaires ne sont que des salaires d’appoint, mais il n’y a rien de plus faux. Même quand on s’en sort avec notre salaire et celui de notre mari, il peut arriver de devoir prendre un·e enfant en plus, par exemple lorsque les nôtres commencent des études.
Article paru le 16 août 2024 dans Services Publics, le journal du SSP.