«La mobilisation se maintient à un niveau élevé»

de: Interview par Guy Zurkinden, rédacteur "Services Publics"

Le 28 mars, la fonction publique et parapublique a mené sa sixième journée de grève et de mobilisation pour l’indexation. Le point sur cette bataille importante avec Cora Antonioli, enseignante et vice-présidente du SSP.

Photo Valdemar Verissimo

Comment s’est déroulée la journée de mobilisation du 28 mars ?

Cora Antonioli – Le bilan est assez bon. Sans atteindre les pics de fin janvier et février, la mobilisation a été supérieure à la précédente, qui avait eu lieu le 1er mars – alors que nous étions dans l’attente des négociations.

La grève a de nouveau été très suivie dans les écoles, avec plus de 1000 grévistes. Certains établissements qui n’avaient pas encore bougé ont rejoint la lutte. Dans les gymnases, le mouvement reste très fort.

En parallèle, on note un élargissement aux hôpitaux régionaux du canton, où de nombreuses actions ont été organisées. Au CHUV, les logisticiens et laborantin·e·s ont fait grève, accompagné·e·s de bien d’autres salarié·e·s, mais de façon plus isolée.

Quant à la manifestation du soir à Lausanne, elle a rassemblé 4000 à 5000 personnes.

Globalement, la mobilisation du personnel se maintient à un niveau élevé, et cela sur la durée. C’est un très bon signal.

Les dernières négociations avec l’employeur ont eu lieu le 22 mars. À l’issue des discussions, les trois syndicats (SSP, SUD et FSF) ont refusé la proposition faite par le Conseil d’Etat. Pourquoi ?

Le Conseil d’Etat est arrivé à la table de discussions en nous proposant une prime unique « vie chère », d’un montant de 10 millions de francs, qui serait versée en une fois en 2024. Il a ensuite porté la somme à 15 millions, affirmant que c’était sa dernière proposition. L’objectif de cette prime serait de compenser la perte de pouvoir d’achat générée par l’indexation de 1,4%, qui se situe bien en-dessous de l’indice des prix à la consommation (3%).

Or 15 millions de francs, cela représente à peine plus de 15 francs par mois, soit un café par semaine pour les 70 000 salarié·e·s de la fonction publique et parapublique vaudoise. C’est donc tout à fait insuffisant pour compenser la perte de salaire réel que les salarié·e·s vont subir cette année en raison de la pingrerie de l’Etat – qui a pourtant accumulé les bénéfices au cours des 17 dernières années.

La proposition du gouvernement est d’autant plus problématique qu’il ne s’agit pas d’une indexation à proprement parler, mais d’une prime unique. Cela alors que la présidente de l’exécutif, la libérale-radicale Christelle Luisier, nous a bien fait comprendre que l’indexation du personnel deviendrait à l’avenir une variable d’ajustement budgétaire: la compensation du coût de la vie n’étant plus considérée comme un droit du personnel, elle varierait chaque année en fonction des priorités de l’Etat. Il s’agit d’un grave recul !

Par notre lutte, nous défendons donc une compensation salariale digne de ce nom en 2023, mais aussi le maintien du principe de l’indexation des salaires. C’est fondamental pour les négociations à venir !

En parallèle, le gouvernement a proposé une série d’améliorations …

Fidèle à sa ligne, le Conseil d’Etat nous a proposé une « enveloppe globale »: 15 millions de prime pour les salaires, plus 32 millions visant à financer une série de mesures nécessaires pour le service public. Plusieurs de ces mesures sont des revendications syndicales de longue date (revalorisation pour les secteurs de la santé et du social parapublic, plus de moyens pour l’école inclusive, création de postes d’assistant·e·s en protection des mineurs, etc.). Jusqu’à présent ignorées, elles deviennent comme par magie des priorités.

Bien sûr, ces mesures sont nécessaires et devront être négociées. Le problème, c’est que nous n’avions pas de mandat pour en discuter le 22 mars – pour cela, il aurait fallu des délégations représentatives des secteurs concernés. L’objet de ces négociations était l’indexation des salaires, que nous revendiquons depuis des mois !

Le canton connaît une démographie galopante et des moyens supplémentaires sont nécessaires pour le service public, qui reste sous-financé. Mais il ne faut pas opposer ces investissements à l’indexation des salaires, d’autant plus que le canton a largement les moyens financiers pour garantir les deux !

Le 28 mars, les trois syndicats ont envoyé une contre-proposition à l’exécutif. Quel est son contenu ?

Nous prenons le Conseil d’Etat au mot. S’il a décidé d’attribuer 15 millions supplémentaires pour les salaires, qu’il le fasse. Mais en ajoutant ces 15 millions aux salaires de novembre et décembre 2023, ce qui permettra d’intégrer ce montant à la grille salariale – et de pérenniser ainsi cette hausse pour les années suivantes. Nous exigeons aussi la garantie de l’indexation à l’indice des prix à la consommation (IPC) pour 2024.

Le Conseil d’Etat a-t-il déjà réagi à votre proposition ?

Le gouvernement a accusé réception de notre lettre le 29 mars. Il a indiqué qu’il nous répondrait« dans les meilleurs délais ». Nous attendons.

Avez-vous prévu une suite à votre mobilisation ?

Nous sommes à la veille des vacances scolaires [au moment de l'interview]. Nous devons donc laisser passer ces deux semaines de Pâques, et voir ce qui va se passer ensuite.

Si la réponse du Conseil d’Etat à notre contre-proposition est négative, nous devrons probablement organiser une assemblée générale du personnel, et y discuter de la préparation de nouvelles mobilisations. Dans plusieurs établissements scolaires, les salarié·e·s ont déjà voté une poursuite du mouvement dans le cas où l’exécutif n’améliorerait pas son offre.

Nous avons aussi commencé à réfléchir à de nouveaux moyens d’action, qui pourraient compléter la grève – qui reste pour l’instant concentrée essentiellement sur les établissements scolaires.