Indexation: préparons le prochain round!

de: Raphaël Ramuz, secrétaire syndical SSP

Après plus de 5 mois de lutte pour l’indexation, la première phase d’un conflit de longue haleine sur les salaires dans les services publics et parapublics s’est close. Bilan et perspectives.

Photo: Valdemar Verissimo

Le 11 mai dernier, l’assemblée générale du personnel a pris acte de la dernière proposition formulée par le Conseil d’Etat. Comme le relève la résolution adoptée par l’assemblée générale (AG), cette proposition reste largement en-dessous de l’indexation des salaires nécessaire à la sauvegarde du pouvoir d’achat.

Toutefois, au vu de l’impossibilité actuelle de pousser le gouvernement à de nouvelles concessions et du blocage que ce même gouvernement impose sur tous les autres dossiers en raison des négociations sur l’indexation, l’AG a décidé de clore cette phase de lutte et de préparer les discussions sur l’indexation pour l’année 2024, y compris la demande d’un rattrapage de l’indexation 2023, en convoquant une nouvelle assemblée à la rentrée de septembre.

Cinq mois de luttes et d’avancées

Entre l’AG du 8 décembre 2022 et celle du 11 mai 2023, près de cinq mois de lutte se sont écoulés. Le Conseil d’Etat ne s’attendait pas à une telle opposition lorsqu’il a fait son annonce le 8 décembre: il pensait avoir réussi à neutraliser le conflit en retardant au maximum l’annonce du taux d’indexation. La discussion déjà entamée sur le budget au Grand Conseil et la pause de fin d’année devaient avoir raison du mouvement des salarié-e-s des services publics et parapublics. Or rien de tout cela ne s’est passé: le mouvement a passé les fêtes, puis connu une forte montée en puissance, atteignant des degrés de mobilisation inédits depuis 15 ans. Plus les salarié·e·s étaient informé·e·s, plus ils et elles étaient mobilisé·e·s.

C’est ainsi à une série de reculades du Conseil d’Etat que nous avons pu assister. Nous sommes passé·e·s d’une simple information émanant de l’exécutif à une invitation à discuter de tout sauf de l’indexation, ensuite transformée en négociation sur les compensations. Négociation durant laquelle le Conseil d’Etat a reculé sur la forme de la compensation, puisqu’il a transformé les 15 millions de prime en une augmentation pérenne des grilles salariales de 0,2%.

Enseignements et acquis

Si cette campagne n’a pas permis d’obtenir la pleine indexation, elle ne doit pas pour autant être considérée comme un échec, tant elle recèle d’éléments positifs sur lesquels il s’agit désormais de construire.

Premièrement, le Conseil d’Etat a compris qu’il n’était pas possible de passer en force au mépris des ses propres salarié·e·s. Il voulait nous «informer», il a dû négocier. C’est déjà une victoire, et l’exécutif s’en souviendra certainement.

Deuxièmement, le travail d’information réalisé durant la campagne a permis aux salarié·e·s de s’approprier les enjeux de la question salariale, notamment le fait que l’indexation n’est pas une augmentation de salaire mais une mesure permettant de maintenir le salaire réel (le pouvoir d’achat).

Troisièmement, l’expérience concrète de la lutte a accru la capacité d’organisation des salarié·e·s et constitue un socle sur lequel la prochaine phase va pouvoir se construire. De même, l’intersyndicale a montré une forte capacité de coordination et de fonctionnement unitaire. Celle-ci a nourri la dynamique de mobilisation et mis le Conseil d’Etat en grande difficulté durant les discussions.

Quatrièmement, si nous n’avons pas gagné sur la hauteur de l’indexation, nous avons imposé sa forme. Le Conseil d’Etat semble enfin avoir compris que nous voulons des mesures salariales pérennes, et pas des primes distribuées à discrétion par l’employeur.

Reste que, malgré l’énorme mobilisation, nous n’avons pas obtenu ce que nous demandions, à savoir la pleine indexation. De cela également, il faut tirer des enseignements.

D’abord, il faut réaliser que le gouvernement Luisier est décidé à faire des salarié·e·s des services publics et parapublics la variable d’ajustement du budget.

Ensuite, il faut savoir que ce gouvernement fait un perpétuel grand écart entre le discours et les actes, mettant tout sens dessus dessous (lire à ce propos notre fackt-checking). Cela implique pour nous de mener un travail incessant de lutte contre la désinformation, en échangeant constamment entre salarié·e·s. Enfin, il faut être conscient·e·s que le niveau de conflictualité nécessaire pour infléchir la position du gouvernement est élevé.

Préparer la prochaine phase!

Cette campagne et son résultat ne sont donc qu’une étape. Dès septembre, une nouvelle phase s’enclenchera. Elle portera non seulement sur l’indexation, mais également sur la caisse de pension de l’Etat. En réalité, nous devons préparer l’opposition à ce qui constitue la nouvelle doctrine du Conseil d’Etat, qui considère les dépenses salariales des services publics et parapublics comme une variable d’ajustement dans l’élaboration de son budget. C’est à cela que correspond la fameuse «approche globale» du gouvernement, et c’est contre cela qu’il faut continuer à lutter

À nous de nous préparer à cela en continuant à discuter avec les collègues. Objectif: intensifier et étendre le mouvement dès la rentrée!

Cinq mois de lutte en un clin d’oeil

  • 8 décembre 2022. Le Conseil d’Etat (CE) décide d’indexer à 1,4% les salaires du public et parapublic, et d’octroyer une prime de 0,8% du salaire pour les classes 1 à 10 de l’Etat. L’assemblée générale (AG) du personnel décide de manifester contre cette décision.
  • 13 décembre. Manifestation réunissant 1'500 à 2'000 salarié·e·s. Communication du CE annonçant qu’il maintient sa décision.
  • 12 au 23 décembre. Plusieurs établissements scolaires font grève.
  • 23 janvier 2023. Grève et manifestation de plus de 4'000 salarié·e·s. Annonce d’une nouvelle mobilisation le 31 janvier. Le CE invite les syndicats le 22 février, pour discuter de plusieurs points mais pas de l’indexation.
  • 30 janvier. Le CE réinvite les syndicats à la rencontre du 23 février, en ajoutant que «les organisations du personnel pourront évoquer les sujets qu’ils souhaitent».
  • 31 janvier. «Plus grande journée de mobilisation de la fonction publique depuis 15 ans» (24 heures): 2000 grévistes et 10 000 manifestant·e·s.
  • 9 février. Mobilisation, plus de 8 000 manifestant·e·s.
  • 23 février. Négociation. Le CE propose des «mesures salariales» sans en préciser ni la forme ni le montant. Leur définition est remise à la séance de négociation du 22 mars.
  • 1 mars. Mobilisation, 3500 manifestant·e·s.
  • 22 mars. Négociation. Le CE propose d’ajouter 15 millions sous forme de prime, dont la répartition est à convenir.
  • 28 mars. Mobilisation, 4000 manifestant·e·s. Contre-proposition syndicale: les 15 millions sont intégrés aux salaires de novembre et décembre 2023, qui constituent le salaire à partir duquel l’indexation est calculée pour l’année 2024; l’indexation est garantie en 2024.
  • 4 mai. Négociation. Le CE accepte de pérenniser les 15 millions en augmentant les grilles salariales (Etat et parapublic) de 0,2% au 31 décembre 2023.
  • 11 mai. L’AG prend acte de la décision du CE et décide de relancer la lutte en septembre 2024. Objectif : garantir l’indexation 2024 ainsi que le rattrapage 2023.