«Ça bouge de partout»

de: Journal «Services Publics»

Le 31 janvier, la mobilisation de la fonction publique s’est renforcée et a gagné de nouveaux secteurs. Face à un Conseil d’Etat imperméable, les syndicats appellent à une nouvelle journée de grève le 9 février.

Valdemar Verissimo

Plus de 2000 grévistes, des actions organisées sur une foule de lieux de travail, 10'000 manifestant-e-s dans les rues de Lausanne. Mardi 31 janvier, la mobilisation de la fonction publique a encore dépassé celle de la semaine précédente (23 janvier) – 1600 grévistes, 3000 à 4000 manifestant-e-s. À l’appel des syndicats SSP et Sud ainsi que de la Fédération des sociétés de fonctionnaires (FSF), grévistes et manifestant-e-s ont revendiqué encore une fois l’indexation intégrale des salaires pour la fonction publique et parapublique. Alors que le taux d'inflation calculé par l'OFS s'élève à 2,8% en moyenne en 2022 et que les primes d’assurance maladie grimperont cette année de 6,6%, l'indexation de 1,4% décrétée par le Conseil d’Etat vaudois ne passe toujours pas. Le mouvement a encore pris de l’ampleur dans l’éducation, avec quarante écoles touchées et un élargissement au primaire. Et il s’est étendu à de nouveaux secteurs.

Le mouvement s’étend

«Je fais partie des travailleurs de l’ombre du CHUV. Et je peux vous dire qu’il y a de plus en plus de souffrance au travail. Chez nous, il est difficile de se mobiliser, car la pression de la hiérarchie est énorme. Pourtant, nous étions 250 à manifester devant l’hôpital aujourd’hui. Et nous serons très nombreux à la manifestation ce soir». La prise de parole est acclamée par une salle comble. Ce 31 janvier, l’assemblée de grévistes, réunie dans l’établissement primaire et secondaire de Béthusy à Lausanne, a fait le plein. «Le parapublic vous a rejoints aujourd’hui» avait lancé, peu avant, une gréviste du Centre d’accueil Malley-Prairie. À l’université, le personnel a tenu sa première assemblée sur l’indexation. Le jour précédent, les commissions du personnel des sept hôpitaux régionaux du canton avaient adopté une résolution, envoyée au Conseil d’Etat, appelant à la mobilisation. Les signaux sont clairs: le mouvement s’étend. «Ça bouge de partout» confirme David Gygax, syndicaliste au SSP.

«Si on accepte cette gifle…»

Parmi le personnel mobilisé, le mécontentement gronde. Une enseignante, venue témoigner de sa solidarité avec les salarié-e-s du CHUV, résume ce sentiment de ras-le-bol:«Après des années compliquées, nous avons la sensation qu’on nous crache au visage en nous imposant une perte de salaire réel. Le service public, c’est le pilier de notre société. Mais quand on parle de reconnaissance concrète, il n’y a plus personne. Si on accepte cette gifle aujourd’hui, ce sera de pire en pire». Un collègue du primaire abonde dans son sens: «Si on ne l’arrête pas, ce gouvernement se sentira pousser des ailes».

La question de la dégradation des conditions de travail accompagne souvent celle du manque de reconnaissance salariale. «Chez nous, personne ne fait grève car le sous-effectif est trop grand. Sur dix-neuf postes, nous ne sommes plus que douze actuellement. En raison du manque de reconnaissance, tout le monde part, surtout les plus expérimentés», indique une manifestante travaillant dans les soins à domicile. «On en arrive à un tel point que la hiérarchie demande à des femmes de ménage de changer les poches de colostomie de certain-e-s patient-e-s. Est-ce que les politiques attendent qu’il y ait un mort pour réagir?»

Le Conseil d’etat joue les durs

La veille de la mobilisation, le Conseil d’Etat avait répondu par écrit aux demandes des syndicats. Dans sa missive, il refusait de revoir sa copie en matière d’indexation de son personnel. En revanche, il annonçait vouloir «réexaminer la situation en cours d'année sur la base des indicateurs usuels». L’exécutif soulignait aussi sa volonté d’ouvrir des négociations – en proposant une rencontre le 23 février – sur «plusieurs autres dossiers d'importance pour les collaborateurs de l'Etat de Vaud, notamment la lutte contre le harcèlement, l'égalité salariale, le travail de nuit, la protection des lanceurs d'alerte, ainsi que la prévention des risques psychosociaux». En bref: sur tout, sauf l’indexation. Dans les colonnes du quotidien Le Temps, la présidente du Conseil d’Etat, la PLR Christelle Luisier, jouait la carte de la fermeté en affirmant que le gouvernement ne ferait pas un pas de plus sur la question des salaires [1]. Au Grand Conseil, la présidente de son parti, la députée Florence Bettschart, déposait une résolution dirigée contre les grévistes du gymnase lausannois de la Cité, accusé-e-s de «politisation inacceptable de l’école et des élèves» pour avoir mis à disposition de leurs élèves un texte expliquant les raisons de leur grève. Les enseignant-e-s concerné-e-s répondaient à cette tentative d’intimidation – reprise au vol par le Département de la formation, dirigé par le PLR Frédéric Borloz – en organisant une action de protestation devant le Grand Conseil.

Rebelote le 9 février

«C’est la solidarité entre les différents secteurs professionnels et entre les syndicats qui fait notre force. À nous de rester tous ensemble dans cette lutte!» lançait une enseignante à l’assemblée des grévistes, peu avant le départ vers une manifestation qui allait s’avérer massive. Un appel reçu cinq sur cinq par l’assistance, qui décidait par acclamation de mener une nouvelle journée de grève le 9 février.