Organiser les étudiant·e·s

de: Services Publics - interview

Une section Étudiant·e·s du SSP a vu le jour dans une université chamboulée par la pandémie. Questions à Clémence Danesi, étudiante et militante de la nouvelle section.

photo Eric Roset

La pandémie a chamboulé le quotidien des étudiant·e·s…

Clémence Danesi – Pendant une année et demie, une grande majorité d’étudiant·e·s de l’université de Lausanne (Unil) ont suivi la presque totalité de leurs cours en ligne – hormis une parenthèse en septembre 2021.

Cette situation a pesé sur leur santé mentale. Elle a occasionné un grand isolement, particulièrement pour celles et ceux qui entamaient un master ou bachelor.

Cela a poussé certain·e·s à mettre leur formation en pause.

En temps de pandémie, les examens ont représenté une autre difficulté. Au printemps 2020, la direction de l’université avait annoncé que, en raison de la situation sanitaire, elle ne prendrait pas en compte les échecs aux épreuves. Mais dès l’automne, elle a changé son fusil d’épaule en invoquant la nécessaire « qualité des études ». Un argument assez ironique car, à ce moment, tous les cours avaient lieu en ligne – ce qui avait des conséquences négatives sur leur qualité.

Les examens organisés en ligne ont été une source de stress supplémentaire, car les conditions étaient plus compliquées par rapport aux examens en présentiel.

Malgré les inégalités en la matière, la direction de l’Unil n’a mis sur pied aucune solution pour les étudiant·e·s n’ayant pas de lieu adéquat pour étudier. Pourtant, les places avaient été réduites dans les bibliothèques en raison des mesures sanitaires.

Globalement, l’Unil n’a donc pas vraiment pris en compte les difficultés des étudiant·e·s.

Comment s’est passée la reprise des cours en présentiel, à l’automne 2021 ?
Le décrochage d’une série d’élèves durant la première année de pandémie a renforcé le manque de places structurel: en septembre 2021, les étudiant·e·s reprenant les cours après avoir fait une « pause Covid » se sont additionné·e·s aux nouvelles et nouveaux arrivés, ce qui a créé un manque de places généralisé dans les auditoriums. Dans beaucoup de cours, on devait s’asseoir par terre si on n’arrivait en avance.

Les cours donnés en « comodal » (à la fois en ligne et en présentiel) sont aussi un problème: ils ajoutent du travail aux enseignant·e·s, tout en dégradant la qualité des interactions entre profs et élèves.

Pourquoi créer une section syndicale à l’Unil ?
La pandémie ayant rendu toute organisation collective difficile, les étudiant·e·s n’ont pas pu faire entendre leur voix. Nous avons décidé de créer une section syndicale à l’Unil pour répondre à ce manque. Une majorité d’élèves travaillent en parallèle à leurs études, puis seront salarié·e·s dès la fin de leur cursus. Il est donc logique de nous organiser au sein d’un syndicat. Cela ouvre aussi la possibilité de revendications communes avec les enseignant·e·s syndiqué·e·s.

Quelles ont été vos premières revendications ?
Fin décembre, nous nous sommes engagé·e·s pour que la session d’examens de janvier-février ait lieu en présentiel. Nous avons aussi revendiqué dans ce cadre que la direction de l’Unil prenne les mesures adéquates pour protéger la santé des étudiant·e·s et éviter que les malades du Covid·19 ou les personnes en quarantaine ne soient discriminé·e·s. Nos revendications ont été exaucées en partie.

Puis, début janvier, nous sommes intervenu·e·s pour le maintien des cours en présentiel. Pour nous, il s’agit d’une mesure-clé permettant à la fois de maintenir les contacts sociaux entre étudiant·e·s, mais aussi de garantir la qualité des cours. Il y a en effet une grande différence dans les interactions entre profs et étudiant·e·s si les cours se tiennent en ligne ou non. Heureusement, le Canton est allé dans notre sens.

Et maintenant, quelles sont vos priorités ?
Nous avons d’abord envie de nous inspirer de la bataille victorieuse menée l’automne dernier par les étudiant·e·s genevois·e·s. Après avoir occupé la cafétéria universitaire, ils ont obtenu que des repas à 3 francs y soient proposés.

Un de nos principaux combats sera de répondre aux difficultés financières affrontées par les élèves. En plus des frais d’inscription, nous devons nous s’acquitter de frais de matériel, de loyer, etc. Pour certain·e·s, notamment les personnes issues de milieux plus précaires, cela représente une lourde charge. Or il y a peu d’aides à disposition, et elles ne sont pas forcément faciles d’accès.

L’accès aux bourses est quant à lui soumis à de nombreuses conditions, qui ne tiennent parfois pas compte des situations réelles. Tout cela nous pousse à travailler à côté de nos études et augmente les inégalités. Nous nous battrons pour la généralisation des aides et des bourses.

À moyen terme, nous espérons faire avancer la revendication d’un salaire étudiant: les études sont un véritable travail, qui doit donner droit à un revenu. Cela éviterait des situations de précarité et raccourcirait la durée des études.

Nous tiendrons prochainement une assemblée pour discuter de nos priorités. Les intéressé·e·s peuvent nous contacter à !