Les mineurs non accompagnés (MNA), contrairement à l’ensemble des autres mineurs en difficulté du canton, ne sont en effet pas pris en charge par la DGEJ et son dispositif socio-éducatif. Leur faute ? Avoir perdu, lors de leur fuite souvent traumatisante, leurs familles et leurs parents, et être arrivé·e·s seul·e·s en Suisse. Pour ce seul motif, et comme une double peine, on leur refuse la reconnaissance de leur statut d’enfant pour ne garder que celui de migrant : c’est donc à l’EVAM qu’ils et elles sont confiés.
Promesses non tenues
Dès 2016, la survenue d’incidents graves, dont une vague de tentatives de suicides, alerte la classe politique qui constate l’absence de cadre éducatif dans les foyers et des conditions d’accueil et sanitaires déplorables. Le personnel éducatif, solidaire et unanime, exprime sa consternation et dénonce, aux côtés du SSP, une situation inacceptable, un traitement injuste et le non-respect des droits fondamentaux des enfants. Face à l’absence de réaction tant politique que de la part de l’EVAM, le personnel et notre syndicat décident en 2018 d’une journée de grève, et lance une mobilisation qui sera largement suivie et soutenue par la population et le tissu associatif vaudois. Le DFJC dont dépend alors la DGEJ (ex-SPJ, en charge de la protection des mineurs) s’engage à accompagner une réforme des foyers MNA. Tout en maintenant son refus d’intégrer ses enfants sans pour autant le justifier autrement que par des motifs d’ordre économique, Mme Amarelle et ses services promettent qu’un réel cadre éducatif va être mis en place et que l’EVAM sera soumise à un contrôle similaire aux autres foyers.
Portées par ses promesses, les équipes éducatives élaborent enfin un concept éducatif et participent activement à sa mise en place durant plusieurs mois. Mais rapidement, l’EVAM se montre incapable de porter ce projet et stoppe brutalement le processus, avec le consentement de la DGEJ qui restera sourde à tous les signalements des professionnel·le·s. Le concept est abandonné, la réforme attendue également. Pire, l’EVAM et la nouvelle direction du secteur MNA engagent un virage autoritaire et disciplinaire qui broie les équipes comme les enfants. Une véritable chasse aux sorcières est lancée contre les éducateurs/trices, dont les voix se font à nouveau entendre, et les sanctions pleuvent sur celles et ceux qui s’expriment encore.
Un secteur dangereusement sous-doté
En l’espace de 2 ans, l’EVAM et son secteur MNA ont perdu près de 90% de leurs effectifs éducatis. Les postes doivent être repourvus fréquemment et les éducateurs/trices diplômé·e·s ne veulent pas s’y engager. Certaines semaines ou certains week-ends, il arrive qu’aucun·e éducateurs/trices titulaire ne soit présent·e·s pour assurer la sécurité et l’encadrement de 20 à 35 enfants par site, qui sont confiés à du personnel intérimaire. Ces jeunes sont pourtant vulnérables, très seul·e·s et dépendant·e·s de cet encadrement. Les postes vides de celles et ceux qui sont parti·e·s ou tombé·e·s malades sont également occupés par du personnel d’agence temporaire. L’emploi fixe est désormais essentiellement frontalier, l’EVAM devant recruter toujours plus loin des professionnel·le·s dont les valeurs et la déontologie les placent rapidement en porte-à-faux avec leur fonction.
En 2021 et 2022, le SSP a alerté à plusieurs reprises la DGEJ. Nous avons dénoncé le tri des enfants maghrébins, envoyés en foyer adultes pour « faire leur preuve » ; le projet d'envoyer de mineurs de 14 ans dans des appartements sans permanence éducatives au motif qu’ils seraient suffisamment « mûres » ; le régime disciplinaire et répressif qui est venu remplacer le concept pédagogique et la cohérence éducative. Nous avons dénoncé la souffrance exprimée par les jeunes, leurs idées noires, leur solitude, leur désarroi face à des sanctions disciplinaires injustes, des repas manqués à cause d’une arrivée tardive, des budgets insuffisants qui font obstacles à l’intégration, à la scolarisation. Nous avons dénoncé la souffrance du personnel : celles des éducatrices et éducateurs qui résistent ou résistaient encore ; celle de participer à un système qui écrase ces enfants qui leur sont confiés et qui les écrasent également. Celle qui les atteint dans leur santé durablement et qui a fini de vider les effectifs.
Silence et mépris de la part des autorités cantonales
Notre interpellation à la DGEJ a été ignorées, pendant que nos délégué·e·s subissaient des représailles sur le lieu de travail. Les engagements pris en 2018 n’ont pas été honorés et l’EVAM a démontré son incapacité à assumer l’accueil et la protection de ces mineurs. L’État de Vaud, de son côté, a montré son incapacité – ou son refus ? – de veiller aux missions confiées.
Le 5 septembre, le SSP décide d’interpeler M. Venizelos, nouveau chef du Département en charge de la protection de la jeunesse, dont dépend désormais la DGEJ, et sa collègue, Mme Moret, à la tête du DEIEP auquel répond l’EVAM. L’intégralité du dossier et nos nombreuses interpellations et témoignages leur sont remis. À ce jour, et malgré le délai supplémentaire accordé aux autorités, aucune réponse n’est parvenue au SSP. Celle sur le terrain ne s’est malheureusement pas fait attendre avec de fâcheuses conséquences pour nos membres.
Nous condamnons vivement l’indifférence des autorités cantonales devant cette situation catastrophique, la discrimination injustifiable dont sont victimes les enfants isolé·e·s, l’abandon des équipes éducatives mobilisé·e·s et la violation des engagements et promesses politiques faites par le passé. Nous condamnons également l'attitude des autorités qui, face à des interpellations documentées, argumentées et portées par des professionnel·le·s investi·e·s et par le SSP, n’ont répondu que par le silence et leur indifférence.
La lutte continue!
Malgré le mépris des autorités cantonales, le SSP et ses membres sont déterminé·e·s à poursuivre leur lutte en faveur des droits des MNA. Nous appelons d’ores et déjà toutes les personnes qui avaient exprimé leur soutien en 2018 à se solidariser à nouveau à nos côtés et à s’engager avec nous pour interpeler nos autorités et dénoncer cette situation honteuse qui n’a pas sa place dans le canton de Vaud.