Animation socioculturelle: les raisons de la colère

de: Groupe syndical FASL du SSP Vaud

Après 5 années de pressions sur la Fondation pour l’animation socioculturelle lausannoise (FASL), la Ville lance une attaque brutale contre le centre socio-culturel des Bossons et son équipe. Soudé, le personnel riposte par la mobilisation. Récit.

Photo: Meyk et Sibz

Depuis 5 ans, la Fondation pour l’animation socioculturelle lausannoise (FASL) subit des pressions constantes de son administration de tutelle, le Secrétariat général de la direction de l’enfance, de la jeunesse et des quartiers de la Ville (SGDEJQ). Ces pressions vont d’une surveillance exacerbée à des coupes budgétaires, en passant par des tentatives de démantèlement. Elles nuisent à la santé des équipes et des bénévoles, ainsi qu’à la continuité des actions de terrain auprès des habitant·e·s – qui permettent de soutenir leur engagement et leur intégration dans la vie de la cité.

un premier combat gagné…

En décembre 2019, la forte mobilisation des professionnel-le-s, des membres d’associations de quartier, des syndicats et des habitant·e·s, réuni·e·s dans la rue et signataires d’une pétition destinée au Conseil communal de Lausanne, avaient permis de défendre le modèle FASL, garant de l’indépendance de l’animation socioculturelle et de l’attention portée aux quartiers populaires. La volonté de municipaliser les lieux d’animation avait été questionnée à travers trois interpellations urgentes des Verts, des Socialistes et d’Ensemble à gauche au Conseil communal. Elles ont conduit, après débats, au retrait de l’annonce de municipalisation.

…Mais une guerre d’usure

2020 devait être une année de transition, plus sereine, permettant de mettre en place de nouveaux statuts et d’organiser la structure en fonction de ceux-ci. Durant le premier semestre 2020, des rencontres ont eu lieu dans tous les lieux d’animation. Elles ont réuni le SGDEJQ, les professionnel·le·s, les comités et des membres du Conseil de fondation de la FASL. Des bribes de ces entretiens se sont traduites, en pleine pandémie, sous la forme d’un nouveau projet de convention de subventionnement pour 2021-2023. Ce projet prescrivait l’entier du travail d’animation et fixait sous la forme d’objectifs tout ce qui avait été mentionné comme exemples d’animation ou de projet. Il a fallu encore réagir et modifier ce document contractuel – accompagné d’un nombre vertigineux d’indicateurs uniquement quantitatifs.

Un ego blessé ?

Début 2021, un nouveau Conseil de fondation est entré en fonction. Le retrait de la Ville des organes opérationnels et décisionnels semble pourtant être difficilement accepté par le SGDEJQ. En effet, ce dernier exerce un contrôle exacerbé sur le fonctionnement des lieux d’animation, tente de créer de la compétition entre les associations de quartier et retire des subventions de manière arbitraire et unilatérale, au mépris de la convention signée. Tandis que la Municipalité relevait, dans sa réponse aux questions du Conseil communal, tout le bien fondé et la qualité du travail de la FASL, une fondation qu’elle a créée et qu’elle subventionne, on ne peut qu’être choqué·e par une nouvelle tentative de la démembrer la FASL – au lieu de tirer les bénéfices de ses actions. On peut y lire une méconnaissance crasse des stratégies d’animation socio-culturelle ainsi qu’un mépris des processus démocratiques.

Merci, et au revoir !

Depuis sa création, la FASL s’est vu attribuer tous les mandats de gestion de la création de nouveaux lieux, de terrains d'aventure et de maisons de quartier. Ces lieux sont cogérés avec des associations de quartier. Dans cet esprit, et depuis plusieurs années, l’association du centre des Bossons Plaines-du Loup et son équipe de professionnel·le·s se sont engagées, avec le soutien de la FASL, dans le projet de future maison de quartier des Plaines-du-Loup. L’équipe d’animation est très active dans la démarche participative et a élaboré un programme spécifique (ateliers, exposition) en collaboration avec les partenaires, dont l’association de l'écoquartier. Objectif: préparer l’implantation de la future maison de quartier, qui devrait ouvrir ses portes en 2024.

En mars 2022, le municipal en charge de EJQ félicitait d’un côté les associations d’avoir signé de nouvelles conventions avec la FASL (encore une exigence de la Ville); de l’autre il envoyait une lettre confirmant la décision de la Ville de gérer la future Maison de quartier des Plaines-du-Loup, en dessaisissant du même coup la FASL. Les raisons de cette option sont peu claires. Aucun argument n’a été présenté à ce jour. De toute évidence, le SGDEJQ souhaite garder la main sur ce quartier servant de vitrine à la Municipalité.

À cette annonce s’ajoute l'expulsion de l'équipe et de l’association de leur outil d’animation actuel, la cabane des Bossons. En effet, le SGDEJQ a décidé de reprendre, dès le 1er mai 2023, la gestion du centre socioculturel des Bossons et d’en retirer la responsabilité à la FASL. Cette décision, prise unilatéralement et sans consultation préalable, viole les termes de la convention de subventionnement. Après avoir fait croire, dans un premier temps, que les postes et la subvention seraient assurés, le SGDEJQ affirme aujourd’hui ne pas vouloir négocier. Ce hold-up s’accompagne d’une baisse des subventions pour la FASL, calculée à la louche par le SGDEJQ. L’ensemble du personnel de la fondation est aujourd’hui solidaire de l’équipe des Bossons face à cette situation inadmissible. La mobilisation contre cette nouvelle attaque a démarré en mai 2022.

Un lieu après l’autre

Au vu de ses agissements, le SGDEJQ ne cherche plus à établir des conventions et une dynamique de collaboration liant les partenaires et définissant leurs engagements respectifs, relevant la richesse des programmations, actions et accueils. Tandis que la FASL ne cesse de rendre des rapports, de se modifier et de répondre aux injonctions de la Ville, cette dernière pousse la structure qu’elle subventionne vers l’explosion. Mais dans quel but ?

L’énigme est totale. Mais ce dysfonctionnement problématique et son lot de violences institutionnelles alimentent la colère et la contestation des équipes des lieux d’animation de la FASL. L’attaque contre le centre socioculturel des Bossons Plaines-du-Loup, contre ses collaborateurs-trices et son association est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Pour la première fois, la FASL se voit amputée d’une de ses entités sur décision municipale. Cette mesure est lourde de menaces pour les lieux rattachés à la Fondation. Cette hostilité déclenche une série de mesures qui seront prises par les professionnel-le-s, dont le taux de syndicalisation est très élevé, tant que la Ville n’aura pas fait marche arrière. Le SGDEJQ, par la brutalité de ses comportements arbitraires, anéantit le travail longuement réalisé par nos collègues des Bossons, en collaboration avec l’association de quartier et les habitant.es. Au-delà de la récupération d’un quartier, ce type de management vise à briser les liens entre les centres socioculturels, leurs collaborations et leurs forces.

« A qui le tour ? » La question est sur toutes les lèvres. Quelles garanties avons-nous que, demain, le SGDEJQ ne décidera pas de fermer ou de reprendre d’autres structures ? Cette stratégie de grignotage et de contrôle obsessionnel doit être stoppée immédiatement. Notre mobilisation ne cessera pas tant que la Ville ne sera pas revenue en arrière. Nos revendications sont les suivantes:

  • La préservation des emplois du centre socioculturel des Bossons, y compris ceux du personnel administratif, et son maintien au sein de la FASL.
  • Le maintien de l’attribution des locaux du centre socioculturel des Bossons au sein de la FASL.
  • Le maintien de la totalité de la subvention du centre socioculturel des Bossons et de sa gestion par la FASL.
  • L’attribution de la gestion de la future maison de quartier des Plaines-du-Loup à la FASL.
  • Le SGDEJQ doit immédiatement cesser ses pressions sur la FASL et ses équipes d’animation, pour qu’une réelle collaboration puisse exister enfin entre la Fondation et son dicastère de tutelle.