Enfance: décidé-e-s à maintenir la pression

de: Interview «Services Publics»

Le personnel de l’accueil de l’enfance est prêt à se mobiliser de nouveau le 3 décembre. Après avoir longtemps fait la sourde oreille, l'EIAP propose aujourd'hui une rencontre. Questions à Maria Pedrosa, syndicaliste SSP Vaud.

(photo Valdemar Verissimo)

Le 13 novembre, la mobilisation a été massive contre le nouveau cadre de référence pour l’accueil parascolaire. Quelle est la réponse de l’Etablissement intercommunal pour l’accueil parascolaire (EIAP)?

Maria Pedrosa – L’EIAP a d’abord refusé toute négociation et répété que le cadre de référence au rabais qu’elle a défini entrerait en vigueur au 1er janvier 2019.

Mis sous pression par notre mobilisation, l’EIAP a proposé, mercredi 28 novembre, de «rencontrer une délégation» dans le but de «trouver quelles solutions apporter afin d’apaiser les craintes des opposants au nouveau cadre de référence». Nous avons répondu en demandant l’assurance que cette rencontre réponde à nos principales revendications: la non-entrée en vigueur du cadre de référence le 1er janvier 2019, et l’ouverture de vraies négociations.

Le 5 décembre, le Grand Conseil, qui a adopté la Loi sur l’accueil de jours des enfants (LAJE), débattra d’une résolution visant à pousser l’EIAP à la négociation. La LAJE fixe en effet les missions des établissements d’accueil: intégration, prévention, socialisation, etc. Or dans la pratique, le nouveau cadre rendra leur réalisation impossible.

Si l’EIAP ne répond pas favorablement à ces demandes, les salariés sont déterminés à maintenir la pression. Et à exiger une prise de position officielle du Conseil d’Etat vaudois, qui doit intervenir contre le cadre de référence au rabais et exiger des négociations.

Dans ce cas de figure, une nouvelle journée d’actions et de grève est prévue le lundi 3 décembre. Des structures, appuyées par les parents, ont déjà voté la grève pour toute la journée. D’autres ont voté des débrayages sur quelques heures. Un piquet de grève sera organisé devant l’EIAP. Les professionnels sont attentifs à garder le fort lien de confiance avec les parents.

Si rien ne bouge, la mobilisation continuera en janvier – avec notamment un préavis de grève pour le 7 janvier. Face à la désinformation propagée par certains employeurs et communes, nous tenons à préciser que la grève est un droit garanti par la Constitution.

Comment expliquer l’ampleur de la mobilisation du 13 novembre ?

À Lausanne, tous les accueils parascolaires (APEMS, pour les enfants de 6 à 12 ans) ont fait grève dès 14 h. Le préscolaire (4 à 6 ans) a aussi suivi le mouvement en débrayant quelques heures, voire la journée entière. Lausanne concentre 50% des emplois dans le secteur, mais le mouvement a aussi été suivi dans le reste du canton.

Ces dernières années, le secteur de l’accueil s’est professionnalisé. Il est devenu un lieu de formation pour jeunes salariés – qui font un CFC ou suivent une école supérieure. La rotation y est pourtant élevée, en raison de la pénibilité des conditions de travail – horaires coupés, intensité du travail, mais aussi pénibilité physique (postures, poids des enfants à porter, etc.), manque de reconnaissance – et des bas salaires.

Or le cadre de référence décidé par l’EIAP prévoit d’abaisser le nombre d’éducateurs par enfants, mais aussi de déqualifier le personnel – une partie du personnel formé pourra être remplacée par des auxiliaires. Il prévoit aussi, dès le 1er janvier 2019, de transférer les enfants de 4 à 6 du préscolaire vers le parascolaire – donc vers un encadrement avec moins de personnel formé. Cela entraînerait une énorme péjoration des conditions de travail – et de salaire – dans le secteur, ainsi qu’une chute de la qualité de la prise en charge

Les parents se sont aussi solidarisés…

C’est allé au-delà de la solidarité. Les parents ont été des acteurs de la mobilisation. Des comités de parents se sont formés. Le 3 décembre, certains ont prévu de tracter devant des écoles pour permettre aux professionnels de participer au piquet de grève devant l’Union des communes vaudoises.

C’est aussi le reflet d’une évolution de fond dans notre société. Pour les familles, un accueil de qualité est indispensable, alors que 80% des femmes travaillent dans notre canton! Le parascolaire est perçu comme un lieu décisif pour la socialisation et le bien-être des enfants, mais aussi pour leur formation – et donc leur avenir, notamment pour les familles aux conditions de vie précaires!

Il y a un véritable clash entre la conscience de l’importance de cette prise en charge par les professionnel-le-s de l’enfance et les parents, et la vision de certaines communes et de l’EIAP, qui ont cinquante ans de retard et n’y voient qu’un coût à réduire.

Ce sont deux réalités et deux visions du monde totalement différentes qui s’affrontent.

(28 novembre)

Plus d'infos sur les pages du SSP Vaud «Parascolaire: non à la baisse des normes»