Maîtres auxiliaires: une victoire contre la précarité

de: Interview Services Publics

Début février, le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC) annonçait qu’il ouvrait la formation PIRACEF (Programme intercantonal romand de formation à l’enseignement des activités créatrices ou de l’économie familiale) aux titulaires d’une formation professionnelle (CFC) dans un domaine proche.

Photo Valdemar Verissimo

Une mesure qui mettra fin aux années de précarité vécues par des dizaines de maîtres auxiliaires. Et qui couronne des années de luttes syndicales.

Comment es-tu devenu «maître auxiliaire» à l’Etat de Vaud?

Bernard Weissbrodt – J’ai d’abord réalisé un CFC de sellier automobile. J’ai donc travaillé dans la restauration d’intérieurs de voiture pendant quelques années, puis comme éducateur spécialisé. J’ai aussi monté ma propre boîte, dans laquelle j’ai formé stagiaires et apprentis. En 2008, j’ai décidé de changer d’orientation, et j’ai commencé par un remplacement au Cycle d’orientation C-F Ramuz, à Lausanne. Mon premier contrat portait sur deux semaines. Depuis, je n’ai plus quitté la profession. Pendant trois ans, j’ai vogué de CDD en CDD. C’est seulement en alignant, sans interruption, trois années de travail sous CDD que les maîtres auxiliaires – le statut réservé aux enseignants qui n’ont pas suivi la formation dans une Haute école pédagogique – peuvent décrocher un CDI. Chaque année, si tu es un CDD, ton poste est remis au concours, quel que soit ton investissement au travail, avec la possibilité de te faire dégager. Humainement, c’est difficile à vivre: c’est une épée de Damoclès qui est suspendue au-dessus de ta tête. Personnellement, j’ai dû lutter pour décrocher un CDI: après trois années de CDD, durant lesquels j’ai aligné pas moins de neuf contrats, le Département de la formation a refusé de me donner un CDI sous prétexte que j’avais eu une semaine d’interruption entre deux contrats! Cela alors que je devais épauler des professeurs plus jeunes, que j’étais responsable de la formation Lift, etc. Grâce à la pression du SSP et de ma direction, on a pu faire plier le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC) et mon contrat a été converti en CDI. Aujourd’hui, je suis toujours maître auxiliaire, mais je suis titulaire d’un CDI et j’enseigne les travaux manuels aux 9e et 10eannées HarmoS.

En plus de la précarité, quelles sont les caractéristiques du statut de «maître auxiliaire»?

Concrètement, les maîtres auxiliaires touchent un salaire 21,5% plus bas que les collègues qui ont le statut d’enseignant diplômé. En quelque sorte, on nous considère comme étant assez bons pour enseigner, mais pas pour être enseignants. Je trouve ce fonctionnement abject.

Depuis février, les maîtres auxiliaires peuvent suivre la formation PIRACEF. Qu’est-ce que ça signifie concrètement?

Heureusement, le cadre a changé au début du mois de février. Après de nombreuses pressions syndicales, le Conseil d’Etat s’est résolu à ouvrir la formation PIRACEF aux enseignants de travaux manuels, d’économie familiale et d’activité manuelles textiles qui sont titulaires d’une formation professionnelle, mais pas d’une formation pédagogique. Concrètement, les 78 maîtres auxiliaires concernés pourront accéder à cette formation, en cours d’emploi, d’une durée de trois ans. Au terme des trois ans, nous serons titulaires d’un diplôme reconnu et aurons le statut d’enseignants diplômés, avec les mêmes droits que le reste de nos collègues. L’Etat finance la formation et nous bénéficierons de quelques décharges horaires. Ce ne sont cependant pas tous nos collègues qui suivront cette formation, car certains sont déjà proches de la retraite. Mais c’est une victoire. Enfin, le Conseil d’Etat nous accorde cette formation, car nous formions une espèce d’anomalie, de zone d’ombre dans le système de formation. Il y a aussi une pénurie de professeurs en travaux manuels. Mais c’est surtout parce que le syndicat a mené une lutte durant plusieurs années, y compris devant le Tribunal fédéral, que cette injustice a été corrigée.

Une lutte de longue haleine

Depuis longtemps, le SSP cherche à obtenir des solutions permettant de régulariser par la formation plusieurs centaines d’auxiliaires précaires. Cet engagement sans relâche s’est concrétisé par des courriers, des pétitions, des négociations, un intense lobbying politique et plusieurs actions en justice. Nous avons successivement obtenu: la stabilisation après trois ans, une meilleure reconnaissance des titres disciplinaires, la possibilité d’études pédagogiques étalées en cours d’emploi, l’admission sur dossier, la validation des acquis de l’expérience et maintenant l’ouverture de la formation PIRACEF. Cette formation destinée aux enseignant-e-s d’activités manuelles, textiles et d’économie familiale sera donc aussi ouverte aux détenteurs d’un CFC dans le domaine concerné. Vaud était le seul canton romand à leur en interdire l’accès. Un dispositif offrira aussi cette possibilité à la centaine de personnes actuellement engagées, qui bénéficieront d’une décharge. Les personnes concernées sont invitées à contacter sans délai le secrétariat de la région Vaud.