Cycles primaires: neuf mesures pour lutter contre la dégradation des conditions de travail

Depuis plusieurs années, les deux cycles primaires ont vu leur réalité évoluer et les conditions de travail se dégrader. Les retours du terrain sont unanimes : il est devenu très difficile d’enseigner dans ce secteur.

Contrairement aux voies secondaires, où l’aggravation de la situation est directement à mettre en lien avec la mise en œuvre de la Loi sur l’enseignement obligatoire (LEO), dans le primaire, les causes sont plus diffuses, principalement provoquées par des facteurs extérieurs à l’école (changements sociétaux, augmentation de la variété culturelle et sociale, attentes parfois exagérées des parents, …), même si les politiques scolaires ont aussi une responsabilité (école enfantine obligatoire, intégration d’élèves à besoins particuliers, augmentation de la charge administrative et complexification des procédures,…). Globalement, le SSP – Enseignement constate les dégâts occasionnés par des moyens insuffisants par rapport aux besoins. C’est le résultat d’un pilotage par les moyens et non par les besoins. C’est une logique que notre syndicat rejette avec vigueur car elle aboutit à péjorer les conditions de travail du personnel enseignant et celles d’apprentissage des élèves.

Le SSP – Enseignement a mené un important travail visant à établir un état des lieux et à identifier les principaux enjeux. En effet, il ne s’agit pas seulement de dire les problèmes, mais surtout de formuler des pistes d’amélioration qui constituent autant de revendications. Ces mesures portent principalement sur des dispositifs d’appui aux enseignant-e-s, même si des mesures structurelles sont aussi nécessaires.

Aujourd’hui, après avoir concentré beaucoup d’énergie à corriger, seulement partiellement malheureusement, certains problèmes de mise en œuvre de la LEO dans les voies secondaires, il est temps de régler les difficultés importantes qui se posent à l’école primaire. C’est un enjeu pour les conditions de travail des enseignant-e-s, mais aussi un enjeu de société : offrir une bonne formation initiale permettra aussi d’améliorer le fonctionnement de l’école secondaire. D’ailleurs, certaines des revendications présentées dans ce document sont aussi valables dans les voies secondaires.

À l’heure où la profession d’enseignant-e connaît ou subit des transformations importantes qui influent plus ou moins positivement sur son sens même et dont certaines rendent son exercice plus difficile, les enseignant-e-s des classes primaires doivent faire face, plus encore que leurs collègues des degrés secondaires, à la nécessité première d’offrir à la classe les conditions qui permettent l’apprentissage. Les questions d’attention, de discipline et de cadrage de l’élève requièrent un travail plus important de l’enseignant-e qu’auparavant. Cette première étape indispensable, sans laquelle l’école ne peut se faire, implique de la part de l’enseignant-e en plus de grandes compétences professionnelles, la dépense d’une énergie énorme et permanente, source fréquente d’épuisement. Un soutien porté aux collègues dans leur enseignement quotidien par des mesures concrètes prises par l’employeur est ainsi devenu plus que jamais indispensable et urgent. Les enseignant-e-s s’engagent depuis longtemps avec énergie pour faire fonctionner l’école publique, seule garante d’une certaine égalité des chances, mais on ne peut compter sur leur seule bonne volonté et leurs compétences pour pallier les défauts du système. Le DFJC doit réagir et prendre des mesures permettant aux enseignant-e-s d’accomplir leurs missions dans des conditions au minimum acceptables. Pour le SSP – Enseignement, la situation nécessite des ajustements rapides afin d’éviter un épuisement du corps enseignant et afin de garantir un bon encadrement pour les élèves les plus fragiles.

C’est dans cette perspective nécessaire que le SSP-Enseignement expose ici ses revendications en neuf points.

1.         Dépistage précoce

Le SSP – Enseignement demande : Un dispositif particulier dans tous les établissements visant à soutenir le travail de dépistage précoce. Ce dispositif doit être identifiable et comprendre des personnes ressources variées (logopédistes, psychomotricien-ne-s, enseignant-e-s spécialisé-e- s, éducateurs.rices spécialisé-e-s, psychologues, doyen-ne-s…). En collaboration avec les titulaires des classes, des moments d’observation croisée doivent être prévus, de même qu’un appui dans les démarches administratives et la mise en place de dispositifs pédagogiques adaptés. Les services PPLS doivent assouplir leur politique de manière à effectuer, lorsque c’est justifié, des bilans avant la 3P. Cela nécessite évidemment un renforcement des équipes. Les conditions de décharge pour les titulaires de maîtrise de classe en 1-2P doivent être améliorées.

La particularité des deux premières années de l’école consiste essentiellement en un dépistage précoce des différentes difficultés des élèves. Les enseignant-e-s ne peuvent en effet pas s’appuyer sur les observations et démarches de celles et ceux qui les ont précédé-e-

Avant de faire des demandes de bilan, il s’agit donc de pouvoir identifier les difficultés. Ce problème est évidemment exacerbé par l’augmentation importante des élèves à besoins particuliers scolarisés dans des classes ordinaires, dont les besoins particuliers n’ont pas encore été identifiés. De plus, l’attente de la mise en place des mesures demandées est fréquemment beaucoup trop longue pour l’élève concerné-e et les enseignant-e-s. S’ajoutent à ces questions d’autres défis de type socio-éducatif qui sont particulièrement forts aussi dans ce secteur. Dans ce cadre, des moyens importants doivent être alloués dans ces classes au tout début de l’année scolaire.

2. Délais de prise en charge pour les renforts pédagogiques et les mesures pédago-thérapeutiques

Le SSP – Enseignement reçoit trop régulièrement des informations confirmant des délais de réponse de la part des inspecteur-trice-s du SESAF de plusieurs semaines ou des délais d’attente de plusieurs mois pour des bilans chez des pédago-thérapeutes (logopédistes, psychologues, psychomotricien-ne-s). Si la LPS amènera plus de souplesse dans la prise de décision, notre organisation ne peut accepter que, dans cette attente, cette réponse justifie une année de fonctionnement chaotique supplémentaire. Par ailleurs, des mesures de renfort sont attribuées sans que ne soit toujours garantie la disponibilité d’enseignant-e-s spécialisé- e-s. A défaut de personnel formé, disposer de périodes de renfort données par un-e enseignant-e régulier.ère reste bien évidemment préférable à un refus d’octroi de mesures. Mais à terme, un nombre accru d’enseignant-e-s spécialisé-e-s doivent être formé-e-s.

Le SSP – Enseignement demande :

  • Que les délais d’attente en vue d’un bilan ne dépassent pas un mois ;
  • qu’un bilan, une fois demandé, ne prenne pas plus de 6 semaines ;
  • que la réponse du SESAF ne prenne pas plus de deux semaines ;
  • que la mise en place des mesures recommandées par le SESAF se fasse dès la réponse du bilan.
  • Que l’effectif du personnel pédago-thérapeutique soit adapté en permanence aux besoins.
  • Une campagne de recrutement et de promotion du DFJC pour la filière d’enseignement spécialisé.

3. Encadrement socio-éducatif

Le SSP – Enseignement demande : - Que des projets socio-éducatifs soient encouragés et soutenus par le DFJC, notamment par la mise à disposition de moyens adaptés, en particulier financiers (une "enveloppe") dédiés spécifiquement à cet usage. Par ailleurs les enseignant- e-s doivent pouvoir être partie prenante dès le début de l’élaboration des projets et participer au processus décisionnel de leur validation au sein de l’établissement.

Le SSP-Enseignement est fortement attaché à une école qui ne laisse ni des élèves sur le bord du chemin ni des enseignant-e-s démuni-e-s. Or les élèves en rupture mettent en péril leur propre cursus scolaire et influent souvent négativement sur le travail d’apprentissage de la classe. Dans de tels cas, les enseignant-e-s se retrouvent bien trop souvent peu ou pas soutenu-e-s pour gérer des situations complexes qui viennent ainsi s’ajouter à leurs tâches pédagogiques « classiques ». Il est temps que de véritables projets socio-éducatifs qui répondent aux besoins des enseignant-e-s puissent exister : il en va de la qualité du travail en classe, mais aussi de la santé des enseignant-e-s.

4. Santé des élèves et rôle des parents

Les enseignant-e-s constatent de plus en plus régulièrement que des problèmes liés à l’hygiène de vie et aux pratiques de certains élèves (sommeil, écrans, repas etc.) ont des conséquences importantes sur leur capacité d’apprentissage en classe. Il arrive parfois que les parents concernés soient en manque de repères et se retrouvent peu outillés pour encadrer leurs enfants sur ces thèmes. L’école a peu de prise sur ces thématiques qui appartiennent aux parents. Le SSP – Enseignement ne souhaite pas que les professionnel-le-s de l’enseignement soient en charge d’intervenir dans ce type de situation. Malgré tout, c’est au devant d’un grave problème de santé publique que la société se dirige si des solutions ne sont pas trouvées et l’école en subit les conséquences.

Photo Eric Roset

Le SSP – Enseignement demande :
- Que les dispositifs d’accompagnement à la parentalité et de promotion de la santé soient intensifiés.

5. Suivi des dossiers et transitions entre cycles

De manière générale, un important travail est engagé autour des élèves nécessitant un accompagnement renforcé. Ce travail est inégalement documenté dans les dossiers, faute de procédure clairement définie. Résultat : les recommandations et les mesures anticipées par le titulaire de la maîtrise de classe pour l’année suivante ne sont régulièrement pas mises en œuvre, ni même simplement transmises au nouveau/à la nouvelle maître-sse de classe. Il arrive régulièrement que les dossiers, incomplets, suivent plusieurs mois après la rentrée et qu’il soit impossible de savoir qui sont les professionnel-le-s qui assurent un suivi pour un élève. Il n’existe aucune procédure claire sur la manière d’avertir l’équipe suivante qu’une mesure doit être mise sur pied. Il y a là un important gaspillage d’énergie et une complication inutile de la mission du maître-sse de classe et des doyen-ne-s en charge du suivi des élèves.

Le SSP – Enseignement demande :

  • Que la DGEO formalise, dans le cadre des procédures informatisées de fin d’année, l’inscription des mesures prévues pour l’année suivante. Ces données doivent être accessibles facilement pour les titulaires de maîtrise, y compris après un changement d’établissement.
  • Qu’un dossier informatisé soit établi par le DFJC qui permette d’intégrer des indications directement par l’enseignant-e et de recenser les professionnel-le-s concernés par un élève, y compris lorsqu’ils ne relèvent pas d’un service de l’état. Ce dossier informatisé, sous la responsabilité des doyen-ne-s, suit l’élève tout au long de sa scolarité.

6. Plan d’études et moyens d’enseignement

Le SSP – Enseignement demande : - Que la mise en œuvre de nouveaux moyens intègre automatiquement un dispositif local, avec par exemple, un-e enseignant-e utilisant ce matériel, fonctionnant comme référant-e et déchargé-e pour cette tâche. - Qu’une offre de formation permettant une mise à niveau disciplinaire pour les enseignant-e-s du primaire qui le souhaitent soit développée. - Que le planning de mise en œuvre des MER soit réfléchi afin que les enseignant- e-s n’aient pas à s’approprier du nouveau matériel chaque année.

Afin de correspondre aux exigences du PER, de nouveaux moyens d’enseignement ont été conçus et déployés dans un intervalle rapproché. Contrairement à une pratique ancienne, les dispositifs d’implémentation n’ont pas été basés sur la désignation et la formation de répondant-e-s locaux. Par ailleurs, si la HEP offre des formations autour de l’utilisation de ces nouveaux moyens, aucun dispositif n’a été conçu pour permettre aux enseignant-e-s de se mettre à niveau sur le contenu disciplinaire. Les enseignant-e-s généralistes ne sont pas des spécialistes de chacune de leur discipline. Ce problème est particulièrement frappant en histoire et en sciences au cycle 2 : en histoire, le programme est complètement bouleversé alors qu’en sciences, les moyens d’enseignement romands (MER) sont largement insuffisants au niveau théorique. Les enseignant-e-s doivent donc consacrer un temps et une énergie démesurés dans la préparation de leurs cours, en plus de toutes les autres tâches effectuées. De plus, selon les circonstances, un-e enseignant-e peut se retrouver avec de nombreux nouveaux programmes portant sur des thématiques complètement nouvelles.

7. Evaluation

Les enseignant-e-s des années 5-6P, qui constituent les premières années avec des notes chiffrées (et non plus des appréciations), estiment qu’elles-ils passent énormément de temps à préparer et corriger des tests pour des évaluations significatives (ceci revient à faire au moins 2 tests, élément de travail assimilé ou test significatif, chaque semaine sur toute l’année). En effet, la multiplicité des disciplines par rapport aux années 3-4P et l’augmentation du nombre minimal de notes demandé entraîne une surcharge de tests pour les élèves et accroît la pénibilité pour les enseignant-e-s.

Quant aux épreuves cantonales de référence, elles ajoutent aussi du stress aux élèves et augmentent la charge de travail des enseignant-e-s. Le SSP – Enseignement soutient une répartition différentes des ECR afin d’en diminuer le nombre et l’intensité.

Le poids d’un test significatif de sciences en 8P est extrêmement important dans l’orientation compte tenu du peu de notes dans cette discipline et de la présence de celle-ci dans le groupe

De plus, le groupe 2 quant à lui, revêt une très grande importance pour l’orientation, au regard du nombre de périodes qui lui est dévolu. Une refonte complète des groupes de discipline du CGE pourrait atténuer ces effets qui ajoutent à la pression pesant sur les élèves.

Le SSP – Enseignement demande :

  • Une diminution du nombre minimal de test en 5-6P.
  • Une diminution du nombre des ECR, par exemple en instaurant un tournus des disciplines soumises au ECR de 6P et de 10P chaque année.
  • Qu’un travail de fond soit mené dans le but de simplifier le Cadre général de l’évaluation (CGE), notamment au niveau des groupes de disciplines.

8. Effectifs des classes et enveloppe pédagogique

Photo Valdemar Verissimo Les effectifs par classe sont souvent trop élevés et, bien que des indications figurent dans les directives, de trop nombreux cas de dépassements subsistent. Malgré plusieurs demandes du SSP-Enseignement vers une clarification, les statistiques sont lacunaires et ne sont pas communiquées de manière régulière. Par ailleurs, il apparaît que l’enveloppe pédagogique calculée est insuffisante.

Le SSP – Enseignement demande :
- Que la DGEO donne un signal clair dans le sens d’un respect des directives sur les effectifs des classes: au 1er octobre, les directions d’établissement communiquent un plan d’enclassement et justifie chaque dépassement ainsi que les mesures prises.
- Que les données agrégées concernant les effectifs des classes soient transmises aux organisations représentant les enseignant-e-s.
- Qu’un nouveau calcul de l’enveloppe soit réalisé afin de permettre une mise en œuvre adéquate des différentes possibilités prévues par la LEO.

9. Maîtrise de classe et tâches du titulaire

Les titulaires de maîtrise de classe font face à une très forte charge de travail, d’autant plus que la LEO prévoit une information sans délai aux parents en cas d’absence d’un-e élève. Des clarifications dans le fonctionnement administratif et dans la répartition des tâches devraient permettre un petit allégement de la charge de travail. Les tâches confiées aux maître-sse-s de classe sont très variables d’un établissement à l’autre alors que la base légale et règlementaire de même que la rémunération sont les mêmes dans tout le canton. Avec la fonction de chef-fe de file, il s’agit de la seule tâche particulière listée par la loi à ne pas bénéficier d’un cahier des charges cantonal (alors que c’est le cas des prafos, des animateur- trice-s santé et des médiateur-trice-s).

Le SSP – Enseignement demande :

- Que la DGEO, après négociations avec les organisations représentant les enseignant-e-s, édicte une directive qui cadre les tâches liées à la maîtrise de classe.

- Qu’une solution informatique de type « School manager » intégrant une information sans délai aux parents automatisée soit généralisée.

- Que, sur le modèle de certains établissements, les encaissements des camps et voyages soient gérés par les secrétariats ou les services financiers avec édition de factures directement envoyées aux familles.

- Que la répartition des tâches entre les enseignant-e-s et les dépositaires des fournitures scolaires soit clarifiée afin que ces derniers soient en charge de la totalité du processus de distribution et de reddition du matériel.

- Que pour l’ensemble des opérations administratives, le principe soit d’éviter la nécessité de renseigner des informations figurant déjà dans la base de données.

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08.11.2017 Cycles primaires: nos revendications pour de meilleures conditions de travail PDF (189,5 kB)